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ESSAIS DE PALINGÉNÉSIE SOCIALE.

triciens sont frappés de stupeur dans le Forum. La multitude fait retentir l’air de lamentations et de confuses clameurs.

Le juge inflexible a senti d’abord mollir son courage, et des larmes involontaires s’échappent de ses yeux ; mais, reprenant bientôt son caractère indomptable, il ordonne aux licteurs de saisir le centurion. Lui-même se précipite de son tribunal, pour faire exécuter l’ordre qu’il a donné.

La foule fait un rempart au centurion, en s’écriant ; « Virginius est une personne sacrée ! »

« Oui, sacrée, dit le décemvir, transporté d’une vaine fureur ; oui, sacrée, car je dévoue sa tête aux dieux infernaux ! »

« Nous te renvoyons l’anathème ! » s’écrie la multitude.

La sédition maintenant est indomptable. Virginius, suivi de ses amis, et tenant à la main le couteau sanglant, sort des murs de Rome. Il va faire soulever l’armée, pendant que dans la ville on pousse des cris et des gémissemens autour de la belle Virginie.

La première, entre ses compagnes, elle aura un tombeau : ainsi la cérémonie funèbre précédera, pour la race plébéienne, la pompe nuptiale ; ainsi, pour elle, l’initiation commence par les pompes de la mort.

Le corps de la vierge innocente est placé sur un lit de feuillage, formé avec des branches de chêne et de peuplier. Des draperies de lin et de pourpre sont étendues sur ses pieds. Des fleurs et des parfums jonchent le lit funèbre. Le beau visage de la vierge reste découvert, de même que la blessure profonde faite par le couteau profane du boucher, devenu le couteau sacré