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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

long. Tu sauras du moins ce qu’elle a appris dans les écoles qui ont allumé ton courroux !»

« Écoutons le chant de la fille infortunée !» crie la multitude. Ni les jeunes sénateurs, ni les gardes, n’osent proférer un cri contraire. Les licteurs restent immobiles. Un silence morne et solennel s’établit.

La voix plaintive de la jeune fille se fait seule jour au milieu de ce silence à la fois sinistre et majestueux.

« Doux éclat du jour, adieu ! Adieu riantes prairies où j’égarai mes pas ! Murs sacrés de Rome, colline auguste et funeste du Capitole, adieu ! Compagnes de mon enfance, je vais cueillir pour vous la grenade merveilleuse de Koré ! Après moi, vous pourrez savourer les grains rafraîchissans de la grenade divine ! Compagnes de mon enfance, tressez des fleurs pour ma pompe nuptiale, car ma mort est le don futur de la renommée des noces. Le temps n’est pas éloigné où vous n’aurez à envier ni le voile qui protège la pudeur, ni la corbeille mystique qui renferme les nobles symboles de la royauté de la mère de famille, la quenouille et la laine blanche. Doux éclat du jour, adieu ! Adieu, riantes prairies où j’égarai mes pas ! Murs sacrés de Rome, colline auguste et funeste du Capitole, adieu !

» Compagnes de mon enfance, celle d’entre nous qui, la première, devait détacher de l’arbre sacré le rameau d’or de l’initiation, il fallait qu’elle fût condamnée à mourir ! Jeunes filles, mes compagnes, votre destinée cessera d’être obscure ; ma mort va vous doter d’une destinée éclatante ! Au prix de la vie, je vous laisse le rameau d’or de l’initiation ! Pour vous, comme pour les reines du foyer domestique, on chantera Thalassus. Doux éclat du jour, adieu !