Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

La jeune fille répond doucement : « Je ne connais pas toute la sublimité de ces questions ». Elle pensait, en ce moment, à Icilius, son époux désigné ; mais elle renfermait cette pensée dans son sein. Le sentiment de la pudeur outragée jusque dans son sanctuaire le plus intime ne put se manifester que par des larmes. Pourtant elle ajouta : « Je sais une seule chose ; j’ai toujours donné le nom de père à celui auquel vous contestez ce titre, et la femme qui fut ma mère est morte en me donnant le jour. Je n’ai jamais eu le bonheur de la connaître. »

« Jeune fille, dit le magistrat, je ne t’interdis pas la faculté de nommer ton père celui que tu as toujours salué de ce nom, mais il ne peut rien sur ta destinée, c’est du maître de la glèbe qu’elle dépend. Licteurs, saisissez la jeune fille, et livrez-la à son maître, qui est son père légal. »

La jeune fille tombe évanouie sur le sein de sa nourrice. Le réseau qui retenait sa belle chevelure se détache ; et les flots de sa belle chevelure, en inondant son visage, le cachent à moitié.

Un cri d’effroi se fait entendre. Les femmes poussent de plaintives clameurs.

Les licteurs s’approchent avec respect pour saisir la jeune fille. La multitude les écarte sans violence ; elle entraîne la vierge innocente en l’encourageant, et surtout en prenant garde de ne pas froisser ses pudiques vêtemens.

« Que le père de la jeune fille soit appelé ! qu’il vienne disposer du sort de son enfant, ou, du moins, qu’on n’en dispose pas hors de sa présence ! » Ainsi crie la multitude.

« Le crime de cette jeune fille, disait-on de toutes