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ESSAIS DE PALINGÉNÉSIE SOCIALE.

savait que ces écoles nouvelles excitaient toute l’animadversion d’une magistrature ombrageuse. Mille divers sujets d’effroi agitaient les plébéiens ; et toutes les démarches, tous les signes étaient interprétés dans un sens redoutable. La pudeur va-t-elle se trouver sans protection ? Et où pourrait se trouver la protection pour la pudeur plébéienne ? Quel asile peut-il y avoir pour la vierge qui n’est pas destinée, lorsqu’elle deviendra épouse, à se réfugier sous le voile sacré du connubium ? La première sécession n’a produit que la liberté personnelle, c’est-à-dire le sentiment de soi, la conscience ; et quelle garantie peut avoir la liberté personnelle, lorsque la liberté civile n’existe pas ? Telles étaient les pensées confuses de la multitude. De plus, on venait d’apprendre qu’un vaillant soldat, Siccius, avait péri sans jugement, par l’ordre de Fabius, général détesté. « Nous savons à présent, s’écrie-t-on de toutes parts, jusqu’où le monstre de l’impunité peut enfoncer sa griffe odieuse : il égalise le client à l’esclave. Périsse un tel droit ! périsse l’impunité ! »

Écoutez le cri patricien : « La jeune fille est née dans la maison d’un maître. Qu’elle rentre sous la garde des dieux domestiques ! Le seuil du patron doit être, pour elle, les confins de la patrie. Là elle doit connaître toute la doctrine qui lui convient ! »

Le décemvir, le législateur, qui va se trouver aux prises avec la loi à laquelle il a coopéré, est jeune encore ; mais il saura trouver, dans la rigueur du devoir, toute l’austérité d’un autre âge. Brûlant d’un zèle sans frein pour la cause patricienne, dont il veut laisser la gloire intacte ; décidé à ne jamais fléchir dans sa haine contre la race plébéienne, il ne reculera point devant l’orage. Ce décemvir est Appius Claudius, neveu du