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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

l’être dès que la condition patricienne fut diminuée dans son essence, dès que les plébéiens se furent introduits dans la plus petite sphère de conscience libre et spontanée. Alors à la signification absolue se joignit une signification relative qui devait tuer l’impunité.

Tout à coup un événement terrible, en révélant cette situation nouvelle, évolutive et passagère, amène la solution du problème posé par le conseil du mystère profond. Les choses elles-mêmes, dans ces jours de crise sociale, prennent un langage, langage quelquefois effroyable ; et toujours l’épreuve doit précéder l’initiation, ou plutôt l’initiation est le prix de l’épreuve.

Il est certain qu’ici l’histoire se trouble : elle recule devant les témoignages qu’elle-même avait rassemblés ; elle méconnaît le fait abstrait caché sous le fait concret ; c’est ce qui ne peut manquer d’arriver dans le moment où la prose vient s’emparer du domaine de la poésie, dans le moment où une muse raconte ce qu’une autre muse avait chanté, dans le moment enfin où l’homme veut dire la voix ancienne. Tite-Live avoue que la tradition lui paraît absurde ; il n’ose l’envisager en face. Il a péniblement cherché la vraisemblance, lorsqu’il avait à s’enquérir de la vérité. C’est au philosophe et au jurisconsulte à reconstruire la tradition primitive ; c’est à eux à lui rendre toute sa pureté ; c’est à eux à démêler la véridique poésie enfouie sous les vêtemens habilement tissus d’un récit harmonieux et mensonger.

Une jeune fille sans nom, d’une rare beauté, avait attiré les regards d’un des décemvirs, au moment où elle se rendait aux écoles, accompagnée d’une femme qui était sa nourrice. On a lu, dans le regard irrité du décemvir, de funestes projets. La nourrice a frémi de crainte ; la jeune fille a senti une secrète terreur. On