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VOYAGES.

sécheresse, l’épuisement et la stérilité attestent que des populations nombreuses ont à la longue appauvri le sol qu’elles occupaient, plus de ruisseaux murmurans, plus d’ombrages frais, et partant, plus de ces rossignols qui charmaient jadis les bosquets de l’île. Sur le sommet des montagnes, des buissons de pins rabougris ; dans les plaines, quelques rares bouquets d’oliviers, un seul jardin planté de cyprès et d’orangers, partout ailleurs des rochers grisâtres, des pierres spongieuses et cette terre de cendre que forment les éruptions des volcans ; au-dessus de ce terrain d’une si triste nudité, un ciel de feu qui flétrit et dévore, telle est Égine pendant les deux tiers de l’année. Cependant aux premiers jours de mai, où nous nous trouvions alors, sous l’influence d’une pluie bienfaisante, qui donne au terrain une odeur de vanille, elle retrouve un instant son ancienne parure ; la sauge, le thym et les plantes aromatiques, mêlant leurs parfums à l’odeur résineuse des arbres verts, embaument les montagnes et les collines ; le laurier-rose décore le lit des torrens, les hyacinthes, les anémones et diverses espèces d’orchis croissent spontanément dans les plaines, qu’elles émaillent de leurs couleurs variées, et, plus fidèles que les rossignols, des tourterelles viennent en grand nombre animer le paysage. C’est à cette époque qu’il faut gravir le sommet septentrional du mont Saint-Elie, pour visiter ses caloyers et leur vieil hégoumène[1]. Leur monastère si pittoresque avec sa tour de briques, a été construit par les Vénitiens au milieu du cratère d’un volcan, masqué par une riante prairie. C’est une pénible tâche que de monter la montagne à travers les laves roulantes et les prismes basaltiques

  1. Religieux et leur abbé.