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ALBUM.

affaire d’action : peu importent ces événemens ou d’autres, ce ne sont que les châssis sur lesquels le peintre fixe la toile qu’il va sillonner de larges et énergiques coups de pinceau.

Antony est la personnification dramatique des passions de l’homme civilisé, qui, à force d’analyser, a tout détruit, qui finit par ne plus reconnaître de prestige à ce que la société, à tort ou à raison, appelle devoir, à force de se demander pourquoi cela ?… Antony est revenu, par la longue route de la philosophie et des méditations, au point d’où il était parti : l’obéissance aveugle aux passions, qui, lorsqu’elles sont peintes avec les couleurs de M. Dumas, peuvent se passer d’excuses, mais qui en trouvent dans la position du héros de son drame, enfant trouvé, repoussé par le monde, hors de la société. Essayons d’indiquer l’action à laquelle M. Dumas a mêlé cet étrange personnage.

Nous apprenons au lever du rideau qu’Antony a aimé Adèle, femme du baron d’Hervey, avant qu’elle ne fût mariée, et qu’il en a été aimé ; il s’est retiré devant la concurrence d’un homme riche et noble, lui qui n’avait que de l’amour. Ne pouvant vivre cependant sans revoir la baronne, il lui demande par une lettre la permission de la revoir. Celle-ci veut l’éviter, fait mettre ses chevaux à sa voiture et part. Mais les chevaux emportent la baronne, sa vie est menacée ; un homme se précipite au-devant de la voiture, arrête les chevaux et reçoit un coup de timon dans la poitrine : c’est Antony. On le transporte dans la maison de Mme d’Hervey, où elle craint de le garder, et dont elle n’ose cependant l’exiler ; là, une délicieuse scène entre les deux amans, Adèle cherchant à le consoler sans lui donner d’espoir, et lui persuadant de consentir à s’éloigner, tout en tremblant qu’il ne fasse un mouvement trop brusque : « Je ne puis vous garder ici, dit-elle, votre état n’est point assez grave ; il faudrait aux yeux du monde une excuse… — Une excuse, reprend Antony ; ne faut-il que cela ?… » et il déchire l’appareil mis sur sa blessure. « Maintenant, ajoute-t-il, je puis rester. »

Au bout de quinze jours, Antony, guéri de sa blessure, se présente chez la baronne et lui arrache le secret de son amour. Celle-ci, effrayée de l’aveu qu’elle vient de faire, et sentant qu’elle succomberait, prend la résolution de fuir, au moment même où Antony vient d’obtenir, à force de prières et de menaces, la permission de la revoir. Mais Antony apprend bientôt qu’il est trompé ; il