Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

Le prince Schékhafskoï s’intitule modestement le Scribe du théâtre russe. Son cabinet est une véritable officine de comédies, de vaudevilles et d’opéras, qui, en raison du rang de l’auteur et de l’absence des sifflets, sont représentés sur les théâtres de Pétersbourg et de Moscou. À travers ce fatras, quelques pièces cependant sont vues avec plaisir, telles que l’École des Coquettes ou les Eaux de Lipetsk, le Demi-Seigneur, le Menteur, l’Intérieur d’une Famille, ou le Ménage mal organisé.

Le théâtre s’honore aussi du talent de MM. Zagoskine et Khmelnitsky. Ce dernier a obtenu un succès mérité dans sa pièce des Châteaux en Espagne, imitation de Colin d’Harleville ; dans celle du Bavard (Govoroune), et celle intitulée le Perroquet de ma grand’mère.

Plusieurs dames russes se sont aussi distinguées dans les lettres : Mlle  Anne Bounine a publié un recueil de poésies didactiques et lyriques estimé et recherché par les littérateurs ; Mlle  Poutschkof, la princesse Ouroussof, les demoiselles Svinine, Mlle  Volkof, Mme  Bedriaga, née Izvékof, enfin les demoiselles Magnitsky se sont fait connaître par d’heureuses inspirations en prose et en vers.

Chez tous les peuples, l’art d’écrire débuta par la poésie ; parée de l’éclat des images et du charme de l’harmonie, elle exerce tant d’empire sur les hommes, qu’ils chantent sur la lyre bien long-temps avant de s’occuper des ouvrages en prose. Les poètes abondaient en Russie lorsqu’on citait peu de prosateurs dont les œuvres fussent remarquables. C’est à cette époque que Karamzine se fit connaître. À son retour de France et d’Angleterre, il publia ses Lettres d’un voyageur russe, ouvrage qui fit révolution dans le style, et que cependant les Russes critiquent encore aujourd’hui comme étant rempli de gallicismes et de tournures étrangères. La traduction des nouveaux Contes de Marmontel, plusieurs nouvelles, entre autres Marpha Possadnitsa, Marthe la lieutenante, ou la conquête de Novgorod par Jean iii, et un recueil de poésies fugitives, tels furent les principaux ouvrages par