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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

drins les six premiers chants de l’Iliade ; mais Dierjavine parut et surpassa tous ses rivaux. Sublime et original dans ses pensées, pittoresque et neuf dans ses expressions, plus fécond dans ses sujets que Lomonossof, plus varié dans ses formes de style, il s’éleva à une hauteur inconnue jusqu’alors.

Kapniste, membre de l’Académie russe, parent et ami de Dierjavine, se fit connaître avantageusement par des poésies fugitives ; il composa aussi une comédie intitulée Yabeda (la chicane), qui est restée au répertoire.

Enfin, pour compléter la gloire littéraire de ce beau règne, Bobrof, nourri de la lecture des auteurs anglais, enrichissait la langue des premiers essais du genre descriptif, dans son poème de la Tauride, tandis que la chanson et la romance empruntaient un charme entièrement neuf sous la plume gracieuse du sénateur Nélédinsky, dont les vers sont dans la mémoire de tous les amateurs.

Une des choses les plus remarquables dans les annales du théâtre russe, fut la représentation du Melnik (le meunier), par M. Ablessimof, comédie-vaudeville, dont les airs sont nationaux. Cet ouvrage est rempli de détails populaires exempts de toute trivialité. L’action est bien conduite, et ce fut une heureuse inspiration de l’auteur qui n’avait sous les yeux aucun modèle en ce genre.

Sous le règne de Paul Ier, la poésie fit un grand pas vers la perfection[1]. Elle se dépouilla de l’enflure qui l’avait jusqu’alors caractérisée. Jusque-là les premiers écrivains n’étaient point parvenus à triompher complètement des caprices de la langue poétique ; et les gens du monde, tout en admi-

  1. La langue russe se distingue par l’étonnante variété de ses terminaisons dans les noms et dans les verbes ; elle compte jusqu’à sept cas différens. L’irrégularité de ses conjugaisons est un des obstacles les plus difficiles à surmonter, lorsqu’on se livre à l’étude de cette langue. Elle n’a point, comme la plupart des idiomes modernes, la fastidieuse répétition de l’article ; et, de même que le grec et le latin, chacune