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VOYAGES.

tombeau ; mais à quel siècle rapporter cette construction singulière ? C’est ce que je crois difficile de décider d’une manière satisfaisante. Toutefois sa nature et son caractère, la difficulté qu’a dû présenter son exécution, démontrent jusqu’à la dernière évidence qu’elle appartient à une époque extrêmement reculée. Façonné dans le roc vif, ce monument demeure impérissable.

Nous entrâmes bientôt dans une grande plaine marécageuse, à l’extrémité de laquelle on apercevait, tout-à-fait dans le lointain, les montages de Cara-Agatch. De petits mouvemens de terrain, qui avaient la forme de tumuli, nous séparaient sur la droite des rivages de la mer. La nature du sol laissait facilement reconnaître les traces de fréquentes inondations. Il était couvert de joncs, et souvent il offrait si peu de solidité, que les pieds de nos chevaux enfonçaient profondément dans la terre qui nous parut d’une excellente qualité. Nous ne tardâmes pas à traverser l’Hermus, sur un pont de bois à demi ruiné. Ce fleuve roule dans un lit assez creux ses eaux fangeuses confondues avec celles du Pactole ; il paraît d’une assez grande profondeur. Sa largeur est d’environ ving-cinq à trente pieds.

L’exercice avait aiguisé notre appétit. Nous aperçûmes donc avec plaisir, à quelques milles en avant, un petit village. Je piquai des deux, au grand désespoir de mon guide, qui ne voulut jamais consentir à faire prendre le galop à son cheval, et j’allai descendre dans la maison qui me parût la plus propre. Elle était habitée, comme presque toutes les chaumières voisines, par de pauvres Grecs. Leurs pères avaient fui la Morée dans des temps de troubles, vers 1790, et ils étaient venus s’établir dans ces plaines marécageuses dont la culture