Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
SOUVENIRS D’ORIENT.

celle-là aussi a ses charmes. On ne peut se défendre de je ne sais quel sentiment d’orgueil, en résistant ainsi au déploiement de toutes les forces de la nature qui semble chercher à vous accabler : lorsque le navire englouti, suivant l’expression de Falconner, entre deux montagnes flottantes[1], se relève ensuite, et s’élance sur les sommets des vagues couvert d’écume, on éprouve un indicible plaisir à lui voir dompter l’élément terrible qui rugit impuissant autour de lui. La goëlette orientée au plus près avec tous ses ris, serrait le vent en pliant sous les rafales qui désolent le cap Sunium ; tantôt, lorsque le temps devenait maniable, une bordée semblait nous rapprocher ; mais d’autres fois il fallait tout carguer, et nous perdions alors en quelques instans par la dérive tout ce que nous avions laborieusement acquis. Nous passâmes le reste de la journée dans cette lutte pénible contre les flots et les vents conjurés. La perspective d’aller courir la nuit au milieu de l’Archipel n’avait rien de bien séduisant pour l’équipage ; aussi chaque matelot sentant l’importance de la manœuvre, y apportait toutes ses forces et toute son attention. Leurs efforts cependant eussent été inutiles, si vers le soir la violence du vent n’eût faibli. Quelques bordées heureuses permirent alors d’atteindre le fond de la baie, où nous nous affourchâmes avec soin sur nos deux ancres.

J’étais impatient d’aller visiter les restes du temple de Minerve Suniade, dont j’apercevais dans le lointain les blanches colonnes, rangées sur une seule file et dominant les sommités d’une colline assez élevée. En descendant à terre, nous trouvâmes un sol calcaire,

  1. Ingulf’d beneath two fluctuating hills.

    Falconner, Cant. 2.