Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
VOYAGES.

ment furieux qui mugissait autour de nous et dont la veille nous étions le jouet ;

Suave mari magno turbantibus acquora ventis,
Et terra magnum alterius spectare laborem
[1].

Mais, vers cinq heures après midi, je vis le pilote jeter la sonde avec une expression d’inquiétude que les physionomies mobiles des Italiens peignent mieux que nos figures flegmatiques du Nord : — Ancora, lui dit le capitaine. — Sempre, répliqua le pilote d’un air triste. Il se fit un moment de silence ; puis, même demande et même réponse. Je reconnus alors qu’au moyen d’une sonde fixée sur le fond on mesurait la route que le bâtiment, cédant à la violence du vent, faisait en s’éloignant du mouillage. « Allons, dit le capitaine prenant enfin son parti, nous chassons sur nos ancres, il n’y a pas à reculer, il faut mettre à la voile malgré le temps. » Le sifflet du maître d’équipage appelle sur le pont les matelots étonnés qu’on leur commandât l’appareillage au milieu d’une épouvantable tempête. On leur apprend que le bâtiment dérape ; en un instant, quelques voiles sont mises dehors, et la goëlette fuit avec rapidité sous les rafales qui l’entraînent au large. « Je vais tenter de louvoyer pour regagner un mouillage plus rapproché de terre, me dit alors le capitaine ; mais si je ne puis le faire, il faudra fuir devant le temps et subir cette nuit toute la violence de l’ouragan. »

C’est une douce chose que de passer subitement d’un état d’agitation violente au calme si agréable du mouillage ; nous éprouvions alors la sensation opposée, mais

  1. Lucret. Cant. 2 ad. Princ.