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Variétés.

UN NAUFRAGE.

J’aime dans ces nuits orageuses d’hiver, seul auprès de mon feu, entendre la grêle et la pluie battre mes carreaux, le vent soulever mes volets et les agiter sur leurs gonds, ou bien s’engouffrer et mugir sourdement dans le tuyau de ma cheminée. Cela me reporte sur la mer ; et réveille en moi des souvenirs qui ne m’apparaissent plus que comme un songe éloigné fait dans les beaux jours de la vie, dans cet âge où une surabondance d’existence me faisait entrevoir l’avenir aussi grand, aussi immense, aussi indéfini que l’océan sans bornes au milieu duquel j’étais emporté. Qu’elle s’est usée vite cette existence ! deux passions l’ont dévorée. Oui ! mais deux passions grandes, nobles et généreuses, telles qu’on peut toujours les avouer, et qui permettent, dans un âge plus avancé, de regarder derrière soi sans rougir. Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’une vie sans sensations ? quelles sont celles que peut donner la sphère étroite des habitudes vulgaires de sa contrée, de son pays, de l’Europe même… Il