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ARTHUR ET MARIE.

M. M***, rue ***, un lévrier blanc, de grande taille, marqué de taches jaunes aux oreilles, fort méchant, et mordant au nom de Vairdaw. »

Ce n’est pourtant pas cela qui pouvait faire craquer si violemment les dents du comte les unes contre les autres… continuons :

— « Le nommé Chavard a été condamné à cinq ans de travaux forcés et à la marque, pour avoir volé avec effraction, escalade nocturne, et à main armée, cinq choux et un lapin blanc ; mais vu les circonstances atténuantes (Chavard jouissait, avant ce crime, d’une bonne réputation, et veuf, père de cinq petits enfans, vivait d’une industrie qui venait d’être détruite par l’invention d’une nouvelle machine à vapeur fort économique, employée par un banquier millionnaire.)

» Vu ces circonstances, on lui fait remise de la marque, etc. etc. »

Ce n’était pourtant pas non plus cette conséquence d’une civilisation avancée qui faisait pâlir le comte et rouler ses yeux sanglans dans leur orbite ; voyons autre chose, nous y sommes, je crois :

— « Depuis quinze jours environ, le comte Arthur de *** a disparu de son domicile, il y a tout lieu de croire qu’un suicide a mis fin à ses jours, et que des affaires dérangées et des chagrins domestiques l’auront poussé à cette extrémité, d’autant plus que l’on assure que madame la comtesse de *** est partie la veille même ou le lendemain de la disparition de son mari, avec un des plus riches seigneurs de la capitale ; ils ont pris, dit-on, la route de Marseille. »

C’est cela, pour sûr, qui terrifia le comte et le fit tomber sur son lit sans connaissance. Pendant cet évanouissement douloureux et poignant comme un cauchemar par une nuit d’été lourde et chaude, il lui sembla voir des êtres fantastiques, hideux, et flamboyans, qui, en se rapprochant les uns des autres, formaient un sens, comme s’ils eussent été les signes animés d’une langue inconnue.