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SOCIÉTÉS POPULAIRES.

une grande distance, se prolongeait et se modulait horriblement, selon qu’il croyait avoir besoin de donner du relief à sa pensée et de l’autorité à sa parole. Pour concevoir une idée assez juste de cet artifice d’éloquence et de diction, il suffit de prêter, par l’imagination, l’organisme de la voix humaine à la panthère ou au loup-cervier ; et si Charles Hesse avait été aussi brutalement inhumain dans ses actions que dans ses paroles, ce que je n’ai aucune raison de croire, je doute qu’il y eût beaucoup à changer au moral de l’orateur pour rendre la ressemblance complète.

Dans ce temps-là, le parti de la révolution s’était divisé en deux partis très-prononcés, bien plus animés l’un contre l’autre que chacun des deux ne l’était contre l’ancien régime ; les montagnards qui voulaient porter le principe révolutionnaire à sa dernière expression, et les girondins que des inclinations plus douces, des études plus cultivées, une connaissance plus approfondie de l’histoire des peuples et des conditions essentielles de la civilisation, quelque ambition aussi peut-être, avaient ramené aux idées de justice et aux théories légales sur lesquelles il faut bien que la société s’appuie, quand elle veut s’appuyer sur quelque chose. Comme ces deux opinions étaient en présence, et que la guerre civile aurait été inévitable, si les énergies avaient été égales comme les armes, la montagne, qui préparait ses coups d’état, sentit la nécessité de désarmer le parti opposé pour le vaincre sans péril. Les généraux que la faction dominante avait presque tous choisis, se chargèrent de cette opération dans les départemens, et elle n’était pas difficile à colorer aux yeux d’une multitude que les mesures, couvertes du prétexte de la liberté, trouvaient toujours docile aux attentats les plus effrénés du despotisme. L’audace des contre-révolutionnaires ne s’accroissait-elle pas à vue d’œil ? Les machinations des royalistes ne menaçaient-elles pas l’œuvre naissant de la régénération universelle ? Et que dirai-je de Pitt et de Cobourg, ces deux formidables mannequins de la terreur, avec lesquels on réduisait si commodément la France