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VOYAGES.

En arrivant, je vis nos mâts de perroquet présentés, et je pensai avec raison que notre départ était prochain. En effet, le lendemain matin à huit heures, nous quittâmes le Croc, traversant des millions de courlieus qui venaient au Cap-Vent, et nous revîmes encore Grois, de sinistre souvenir. Si vous voulez vous faire une idée de cette île, vous n’avez qu’à fermer les yeux à demi, regarder un papier noir, et mettre vos pieds dans de l’eau froide, en vous faisant souffler dans les oreilles avec de gros soufflets pour imiter le vent.

L’île de Terre-Neuve porte des marques visibles le long de ses côtes, et dans la profondeur de ses larges baies, d’une grande révolution qui, à une époque reculée, changea sa forme et son étendue primitives. Elle est séparée, à l’est, du fleuve et du golfe Saint-Laurent, par un canal étroit, de trois lieues de large, appelé détroit de Belle Île ; sa forme est triangulaire ; elle a onze mille huit cent trente-trois lieues carrées. La difficulté de pénétrer dans l’intérieur, le peu de chances de succès que présente une tentative d’exploration, font qu’on en sait peu de chose, si ce n’est cependant que le sol y est rocailleux et généralement stérile, qu’il y a des montagnes à pic couvertes de bois, des vallées étroites et sablonneuses, et quelques grandes plaines de bruyères ; mais on n’y voit ni arbres ni buissons. On appelle ces plaines dans le pays, barrens ou landes. Les lacs, les étangs, y sont très-nombreux, et