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VOYAGES.

La morue s’y reproduisit sous plusieurs formes différentes, et fut le sujet constant de la conversation, comme on peut bien le penser.

Le commandant devant rester trois jours aux îles Fichot, je repassai la mer, et allai à la grande terre, en face de la baie aux lièvres. Le doyen, M. C., y avait envoyé des hommes pour faire du bois, et un soir que je rentrais souper, je vis arriver un des ouvriers pâle et essoufflé. Il venait de voir un ours blanc à cinquante pas de nous, et il accourait nous en prévenir. Nous n’étions que trois armés, et les ouvriers n’auraient su comment se défendre d’un ennemi si redoutable, s’ils avaient été attaqués. Nous nous décidâmes donc à aller à sa rencontre. Cet animal est très-difficile à tuer ; à Saint-Pierre, on m’en avait montré un qui avait reçu trente-deux balles, et n’était mort qu’après avoir eu la tête fendue à coups de hache.

À peine étions-nous placés à quinze pas les uns des autres derrière le bois où nous devions l’attendre, qu’un bruit sourd se fit entendre. Il me sembla voir passer quelque chose, mais dans le doute je n’osai faire feu. Mon voisin, le capitaine O., lâcha ses deux coups de suite. Je l’ai tiré, me cria-t-il ; il a fait une fort belle pirouette, et je n’ai plus rien revu. Le patron de la chaloupe accourut de notre côté, en criant que l’animal venait à nous ; mais nous n’aperçûmes plus rien, et nous fîmes retraite. Arrivés près du feu où se trouvaient les charpentiers, il fut tenu un conseil : la plupart opinèrent pour mettre en mer, et