Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/353

Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
TERRE-NEUVE.

sions, la soute aux poudres derrière, sous une pierre ; la mèche à feu toujours allumée, et une toile étendue par terre nous servait de lit.

En coupant du bois, trois perdrix partirent sous nos pieds, et nos matelots en prirent deux avec leurs casquettes. Étant venus à Grois, principalement pour tuer des caribous, nous fîmes tous le serment de ne tirer aucun autre gibier pendant un jour entier, car, effrayés de nos coups de fusil, ces animaux se seraient cachés, et n’ayant pas de chiens, nous ne pouvions espérer les prendre que par surprise. Le caribou est une espèce de daim, qui, de même que l’orignal, a la tête garnie d’un bois plus long que celui du cerf, et dont les branches sont presque plates ; ses jambes sont épaisses, et son pied est comme celui de la vache. Les Indiens l’appellent Bucca-rebou ; il se trouve en grand nombre dans les forêts de Terre-Neuve dans le Canada, plus au nord que Québec, et le long de la baie d’Hudson.

Le soir même de notre arrivée, nous partîmes deux par deux, nous répandant dans les plaines rocailleuses, dans les marais et près des étangs. Dix outardes plus grandes que de grandes oies, nageaient paisiblement tout près de moi, sans aucune crainte ; mais mon serment me retint. La nuit vint, nous rentrâmes, et c’est alors que commença notre supplice : les moustiques nous attaquèrent.

On ne peut se figurer dans quel état vous mettent ces insectes ; il y a de quoi devenir fou. C’étaient par milliers qu’ils fondaient sur nous. Ayant