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RELÂCHE À LIMA.

bitans ; sur ce nombre on compte huit mille moines, répartis en quinze monastères. Les femmes occupent dix-neuf couvens, et les pauvres huit hôpitaux ; dans toutes les rues, en effet, on ne voit qu’habits monastiques de toutes couleurs, et ce qui me parut le plus singulier, ce fut de voir des nègres sous le froc : on les appelle vulgairement dans le pays los burros, les ânes. La plus grande liberté règne dans les couvens, où les femmes peuvent aller visiter les moines sans que cela tire à conséquence. Ces asiles de la fainéantise sont vastes, spacieux, et ornés de beaux jardins ; la salle de réception est ordinairement décorée de peintures qui ne brillent point par l’exécution, mais dont le sujet, quoique tiré de l’Écriture sainte, est souvent revêtu de formes grotesques. Je ne puis résister au plaisir de rappeler une fresque occupant tout un côté de muraille de la salle d’entrée du couvent de la Merci : le peintre avait représenté un grand arbre, et chaque branche des rameaux était terminée par la tête d’un frère qui ressemblait à une grosse pomme barbouillée de rouge. L’exécution de cette peinture était si singulière, qu’un artiste payé pour faire la satire de l’ordre n’aurait pu mieux réussir.

La dissolution la plus grande règne dans les mœurs des habitans de Lima ; une température chaude, l’oisiveté des grandes villes, une éducation fort négligée, invitent sans doute à satisfaire des penchans que tout le monde partage, et que l’opinion publique, par conséquent, ne redresse pas. Aussi, parmi les