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RÉCLAMATION.

fils a introduit depuis quelques années dans son habitation un régime disciplinaire auquel les amis de l’humanité ne sauraient trop applaudir ; que le premier il a aboli chez lui la peine du fouet, en la remplaçant par la prison et la privation des jours de repos ; encore ces peines ne sont-elles appliquées que par un jury de noirs esclaves, dont le maître se réserve seulement d’adoucir les décisions. Je ne crains pas d’être démenti ou désapprouvé en citant l’habitation de M. Desbassayns comme modèle, et en faisant des vœux sincères pour que son exemple trouve de nombreux imitateurs.

Il aurait dû dire enfin que le seul membre de la famille Desbassayns auquel le reproche de dureté pût être adressé, s’est considérablement amendé depuis long-temps ; et s’il avait vu M. Joseph Desbassayns accablé de douleurs rhumatismales, impotent, traîné dans un fauteuil que ses infirmités le réduisent à ne quitter jamais, il se serait convaincu qu’avec la meilleure volonté du monde il y aurait impossibilité physique à ce qu’il fouette lui-même ses noirs.

Que faut-il dire maintenant de cette effroyable exclamation de M. Shack : Il y a ici soixante-dix mille noirs, qu’ils se lèvent donc !

Moi que l’accusation de philanthropie a poursuivi dans l’Inde et à Bourbon, moi qui me suis brisé moi-même pour ne pas servir d’instrument au despotisme d’un gouverneur ; moi enfin, rédacteur de la dernière loi sur la répression de la traite des noirs, on ne me soupçonnera certes pas d’être un partisan du système de l’esclavage. Je n’ai pu voir néanmoins sans douleur et sans indignation un appel direct au massacre et à l’incendie : la réalisation de ce vœu sanguinaire serait aussi funeste aux esclaves qu’aux maîtres. C’est ainsi que les fanatiques déclamations de quelques étourdis trompent les colonies sur l’esprit métropolitain, c’est ainsi qu’on persuade aux colons que nous sommes les ennemis déclarés de leur existence, et qu’on les pénètre d’une défiance funeste contre toutes les mesures émanées de la métropole. Les hommes qui s’occupent de législation coloniale, ceux