Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 1.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
CORRESPONDANCE ET VARIÉTÉS.

solennelle cérémonie du su portu de sa robba (le transport du trousseau).

L’époux, au milieu d’une nombreuse cavalcade que forment ses parens et ses amis, suivi d’une quantité de chariots proportionnée au nombre des objets à transporter, arrive à la maison de sa future. Les parens lui remettent le trousseau ; il le vérifie pièce à pièce, et quand tout a été successivement inspecté et placé sur les voitures, il donne le signal, et l’on se dispose à retourner à la nouvelle habitation. Deux des plus habiles joueurs de launedda[1] ouvrent la marche et exécutent des airs champêtres. Un groupe de jeunes garçons et de jeunes filles, parés de leurs plus beaux vêtemens, porte sur les épaules et sur la tête les vases ou les meubles les plus fragiles : celui-ci soutient avec grâce un large miroir à corniche dorée, celui-là se plaît à faire remarquer à la foule les couleurs vives et tranchantes des tableaux des deux saints patrons destinés à orner le lit nuptial ; d’autres sont chargés de vastes corbeilles, où sont élégamment disposés des tasses de porcelaine, des pots à fleurs en verre bleu, des carafes, des verres, etc. Immédiatement après marchent de front un nombre égal de jeunes filles, ayant chacune sur leur tête plusieurs oreillers garnis de fleurs, de feuilles de myrte et de rubans couleur de rose. La cruche de bronze ou de porcelaine dont la mariée doit se servir pour aller puiser de l’eau, repose sur un bourrelet écarlate, placé sur la tête de la plus belle fille du lieu. Ce vase a presque toujours une forme antique très-élégante ; il est aussi décoré de rubans et rempli de fleurs naturelles. Des enfans portent ensuite divers ustensiles de ménage ; en un mot, on fait parade de tout ce qui doit meubler la nouvelle maison.

À cette avant-garde assez bruyante succède une grave et silencieuse cavalcade, au milieu de laquelle l’époux se fait remarquer par l’éclat d’un habillement entièrement neuf et

  1. Instrument composé de trois ou quatre tuyaux percés de trous comme une flûte. Le son ressemble à celui d’un orgue.