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VOYAGES.

voulant pénétrer dans l’intérieur d’un grand bois, du refus obstiné de mon guide de m’y accompagner. Il fit même toute sorte d’instances pour m’engager à ne pas y entrer. Il me donna pour raison qu’il était infesté de Maures, qui sont des sauvages, ne vivant que dans les forêts, d’où souvent ils font des excursions dans les villes où ils pillent et égorgent. Regardant cette version comme un peu exagérée, je n’en fus guère effrayé. Je n’aurais pas changé ma résolution de parcourir le bois, si mon guide ne m’eût menacé de m’abandonner. Je fus forcément contraint d’herboriser seulement aux environs de la ville. Lorsque je fus de retour à Sanboangan, je demandai au gouverneur l’explication de ce conte des Maures. Sa réponse ne fut pas plus rassurante que celle du guide. Il me dit que huit mois ne s’étaient pas encore écoulés depuis que son prédécesseur avait été égorgé dans son lit, et que sa garde avait été massacrée par les sauvage. Il m’engagea fortement à faire comme lui, qui ne s’éloignait jamais beaucoup de la ville. Presque tous les jours, m’ajouta-t-il, on en voit dans les environs.

De pareils récits étaient peu faits pour me donner le courage de continuer mes courses ; cependant l’amour de la science l’emporta sur celui de la vie. Le guide que je tenais du gouverneur ne voulant plus m’accompagner, je m’arrangeai avec quelques chasseurs de notre bord, et nous pénétrâmes assez avant dans le pays.

Soit que le bruit de nos armes à feu ait intimidé les sauvages, soit que nous ayant aperçus eux-mêmes, ils n’aient pas été tentés de nous attaquer, nous ne découvrîmes aucune trace de ces Maures ; en revanche,