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LITTÉRATURE.

délicatesse des riches tuniques d’or ou d’azur, vertes ou violâtres, les découpures si profusément belles des calices ou des feuilles, leurs tissus mats ou veloutés qui se déchiraient, comme son âme, au moindre effort.

Il demeurait pendant de longues journées couché sur le sable, vivant sa vie douce et molle, heureux, poète sans le savoir ; et alors l’irruption soudaine d’un insecte doré, les reflets du soleil dans l’océan, les tremblemens du vaste et limpide miroir des eaux, un coquillage, une araignée de mer, tout devenait événement, plaisir pour cette âme ingénue. Voir venir sa mère, entendre de loin le frôlement de sa robe, l’entendre, la baiser, lui parler, l’écouter, lui causaient des sensations si vives, que souvent un retard, la plus légère crainte lui donnaient une fièvre dévorante…

À l’âge de seize ans, Étienne avait la taille d’un enfant ; et, semblable à une plante étiolée, ses longues méditations l’avaient habitué à pencher la tête. Sa peau transparente et satinée comme celle d’une petite fille laissait voir le plus léger rameau de ses veines bleues. Sa blancheur était celle de la porcelaine. Ses yeux clairs exprimaient la faiblesse, une douceur ineffable ; ils imploraient protection, car il y avait de la prière dans son regard, et la modestie la plus vraie dans tous ses traits. De longs cheveux châtains, plats, lisses et fins se partageaient en deux bandeaux sur son front et se bouclaient à leur extrémité. Ses joues étaient pâles et creuses ; son front pur, marqué de quelques rides, faisait mal à voir, car il trahissait une souffrance lente et profonde. Sa bouche, gracieuse et ornée de dents très-blanches, conservait cette espèce de sourire qui se fixe sur les lèvres des mourans. Ses mains étaient blanches comme celles d’une coquette, et remarquablement belles. Sa voix avait un timbre qui inspirait l’amour… Enfin, vous eussiez cru voir une tête de jeune fille malade sur un corps débile et contrefait. Il n’y avait qu’une âme en lui, et à cette âme il fallait le silence, des caresses, la paix et l’amour. Sa mère lui prodiguait l’amour et les caresses ; les rochers étaient silencieux ; les fleurs, les