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LITTÉRATURE.

fant, madame, reprit-il, il ne faut pas le quitter. Laissez-le long-temps boire le lait que ses petites lèvres cherchent déjà, et gardez-vous bien des drogues de l’apothicaire. Le sein est le remède à toutes les maladies des enfans. J’ai beaucoup vu d’accouchemens à sept mois, mais j’ai rarement vu de délivrance aussi peu douloureuse que la vôtre. Ce n’est pas étonnant, l’enfant est si maigre !… Il tiendrait dans un sabot !… et je suis sûr qu’il ne pèse pas quinze onces. Du lait, du lait ! S’il reste toujours sur votre sein, vous le sauverez.

Ces dernières paroles furent accompagnées d’un nouveau mouvement imperceptible des doigts du rebouteur qui pressa le bras de la comtesse ; et malgré les deux jets de flammes que dardaient les yeux du comte par les trous de son masque, Beauvouloir débita ses périodes avec le sérieux imperturbable d’un homme qui voulait gagner son argent.

— Oh ! oh ! rebouteur, tu oublies ton vieux feutre noir ?… lui dit Bertrand au moment où le frater sortait avec lui de la chambre.

§ III.
L’AMOUR PATERNEL.

Les motifs de la clémence du comte envers son fils étaient puisés dans un et cœtera de notaire. En effet, au moment où le rebouteur lui arrêta les mains, l’Avarice et la Coutume de Normandie s’étaient tout à coup dressées devant lui. Par un signe, ces deux puissances lui engourdirent les doigts, et imposèrent silence à ses passions haineuses.

L’une lui cria : — Les biens de ta femme ne peuvent appartenir à la maison d’Hérouville, que si un enfant mâle les y transporte.

L’autre lui montra la comtesse mourante, et les biens réclamés par la branche collatérale des Saint-Savin.

Toutes deux lui conseillèrent de laisser à la nature le soin