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LITTÉRATURE.

l’arsenal où les femmes puisaient les trésors de leurs parures plus riches qu’élégantes.

De l’autre côté, pour la symétrie, se trouvait un meuble semblable, qui servait de secrétaire à la comtesse. D’antiques fauteuils en tapisserie, un grand miroir verdâtre, fabriqué à Venise et curieusement encadré dans une espèce de toilette roulante, achevaient l’ameublement de cette chambre, dont le plancher était couvert d’un tapis de Perse qui attestait la galanterie du comte.

Sur la dernière marche, qui servait de socle au lit, était une petite table destinée à recevoir la coupe d’argent ou d’or dans laquelle, tous les soirs, les époux trouvaient un breuvage préparé avec des épices.

Ces descriptions peuvent déplaire à certaines personnes qui veulent à tout prix des événemens ; mais quand nous avons fait quelques pas dans la vie, nous connaissons assez la secrète influence exercée par les lieux sur les dispositions de l’âme, pour sympathiser avec des sites.

Or, la comtesse inventoriait avec terreur cette chambre, sur laquelle elle n’avait pas encore pu jeter aussi librement les yeux. Ce luxe sévère lui semblait inexorable, et il y a beaucoup d’instans mauvais où l’on trouve je ne sais quels gages d’espérance dans les choses qui nous entourent. Heureux ou misérable, l’homme donne une physionomie aux moindres objets dont il est environné, les écoute, les consulte, tant il est naturellement superstitieux. En ce moment, la comtesse, promenant ses regards sur tous les meubles, comme s’ils eussent été des êtres, semblait leur demander secours et protection.

Tout à coup la tempête redoubla. Devenant alors plus craintive en entendant les menaces de l’ouragan, la jeune femme n’osa plus rien augurer de favorable sous d’aussi tristes lambris, et par un tel courroux du ciel, dont les changemens étaient interprétés à cette époque de crédulité suivant les espérances et les habitudes de chaque esprit.

La comtesse, aussi épouvantée du tumulte extérieur que de