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L’ENFANT MAUDIT.

difice l’apparence d’un tombeau. Évidemment cette cheminée avait été destinée à faire, dans l’ordonnance de la chambre, le pendant du lit occupé par la comtesse et son mari.

Quant à ce monument élevé à la gloire de l’hyménée, un architecte moderne eût été fort embarassé de décider si la chambre avait été construite pour le lit, ou le lit pour la chambre. Il ressemblait assez à ces œuvres où siègent les membres de la fabrique dans les riches paroisses. Deux amours qui jouaient sur un ciel de noyer orné de fleurons galans, auraient pu passer pour des anges, et les colonnes de même bois qui soutenaient le dôme offraient des allégories mythologiques dont l’explication se trouvait également, au gré des savans, dans la Bible ou dans les Métamorphoses d’Ovide. Le tout aurait convenu à une chaire ou à un œuvre aussi bien qu’à un lit. Les époux montaient par trois marches à cette somptueuse couche, entourée d’une estrade ; et deux immenses courtines de moire verte à grands dessins brillans, nommés ramages, peut-être parce que les oiseaux qu’ils représentent sont censés chanter, l’enveloppaient en décrivant des plis si raides, qu’à la nuit, on eût pris cette soie pour un métal flexible.

Sur le velours vert, orné de crépines d’or, tendu au fond de ce lit seigneurial, la superstition crédule des comtes d’Hérouville, qui pourtant de religion ne se souciaient guère, avait attaché un grand crucifix en travers duquel, tous les ans, le chapelain du château plaçait un nouveau rameau de buis béni, en même temps qu’il renouvelait au jour de Pâques fleuries la provision d’eau sainte contenue dans un petit bénitier incrusté à l’extrémité inférieure de la croix.

D’un côté de la cheminée était placée une armoire de bois précieux et magnifiquement ouvragé, que les jeunes mariées recevaient encore en province le jour de leurs noces. Ces vieux bahuts, si recherchés aujourd’hui par les antiquaires, contenaient le linge, les robes de prix, les ceintures et toutes les ressources de la coquetterie du xvie siècle. C’était