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LITTÉRATURE.

La chambre, objet de sa curiosité, était une de ces chambres antiques que, de nos jours encore, quelques concierges octogénaires annoncent ainsi aux voyageurs qui visitent les vieux châteaux : — Voici la chambre de parade où Louis xiii a couché.

De belles tapisseries, mais généralement brunes de ton, étaient encadrées par de grands panneaux en bois de noyer, dont le temps avait noirci les sculptures délicates. Les solives du plafond, disposées avec art, formaient des caissons de couleur fauve et ornés de moulures. Ces décorations, de style sévère, réfléchissaient si peu la lumière, qu’il était difficile de voir les dessins des frises, même lorsque le soleil illuminait de ses rayons les plus chauds cette chambre haute d’étage, large et longue, qui conservait toujours de solennelles ténèbres.

Aussi, la lampe d’argent posée sur le manteau d’une vaste cheminée, éclairait-elle alors si faiblement, que sa lueur tremblottante pouvait être comparée à ces étoiles nébuleuses qui apparaissent à peine sur le voile grisâtre d’une nuit d’automne.

Les marmousets qui se pressaient dans le marbre noir du chambranle de cette cheminée, placée presque en face du lit de la comtesse, avaient des figures si grotesquement hideuses, qu’elle n’osait y arrêter ses regards, dans la crainte de les voir se remuer ou d’entendre un rire éclatant sortir de leurs bouches béantes et contournées. En ce moment, cette cheminée semblait être l’organe d’une horrible tempête qui ravageait l’océan, car elle en traduisait les moindres rafales avec une lugubre fidélité. Son âtre était, grâce à la largeur démesurée du tuyau, en communication si directe avec le ciel, que les nombreux tisons du foyer avaient une sorte de respiration : ils brillaient et s’éteignaient tour à tour, selon les caprices et la force du vent. Au-dessus de cette cheminée, l’écusson de la famille d’Hérouville était sculpté en marbre blanc avec tous ses lambrequins et les figures de ses tenans, ornemens qui donnaient à cette espèce d’é-