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PERSÉCUTION DE LA FAMILLE DES DOUZ-OGLOU.

tout de se saisir des prétendus trésors que la famille proscrite était accusée de vouloir faire transporter en Europe et y mettre à l’abri de tout danger. Cet acte de générosité et les faibles valeurs dont on le trouva nanti (il était prescrit de faire le plus exact inventaire de tout ce qui lui appartenait à lui et aux personnes de sa suite), confondirent ses lâches accusateurs et lui concilièrent le respect des hommes auxquels il venait de se livrer. Le Capitan-Pacha Abdullah, depuis Grand-Vézir, touché d’une conduite si admirable, et sachant qu’on avait aussi juré la mort de Jacques Douz-Oglou, se porta lui-même, devant Sultan-Mahmoud, défenseur d’un héroïsme fraternel si peu commun ; il arrêta le coup et arracha à la mort cette noble victime, dont Abdullah-Pacha s’honora depuis d’avoir été le protecteur, lui qui, deux ans après, consomma la ruine de l’inique favori. C’est par un tel oubli de soi-même que M. Jacques Douz-Oglou a déjoué le plan de l’anéantissement de toute sa famille, car sa fuite eût été le signal de la destruction de ce qui avait survécu aux quatre aînés, et même du trop petit nombre d’hommes qui leur restèrent fidèles aux jours de l’adversité. En mars 1820, Mahmoud prononça l’exil des trois frères à Césarée de Cappadoce, et le firman portait que cet exil serait perpétuel, sans espérance de retour, comme étant la commutation de la peine de mort qu’ils avaient encourue. Mais enfin, après la chute de Halet-Effendi, dont la maison Douz-Oglou était créancière pour plusieurs millions, à l’instant même où cet avide favori consommait sa ruine et partageait ses dépouilles, les exilés reçurent quelque adoucissement à leurs maux, et purent former l’espoir d’un retour si désiré par leurs sœurs et leur nombreuse famille. Ce fut en effet au mois de février 1823[1] que Sa Hautesse permit leur rappel, et j’eus la joie de les embrasser au printemps de cette année. Sultan-Mahmoud leur fit

  1. Le firman de rappel, dont je possède la copie, avec celle de l’ordre d’exil, est daté du commencement de Djumadi second, 1238 (février 1823).