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L’EMBARQUEMENT.

Il y consent… Alors que Dieu vous soit en joie…
À vos rames, enfans, qu’un instant on louvoie
À babord des rescifs.
Voyez ! voyez ! contre eux comme courent les lames !
À bâbord, à bâbord, courbez-vous sur vos rames.
Allons !… joyeux et vifs !…

C’est cela… Passagers, voyez-vous la Pauline ?
Tenez, c’est ce trois-mâts dont le beaupré s’incline
Sur le flot indolent
Que sa flamme en flottant comme un serpent traverse,
Et qui tranquille et fier sur les vagues se berce,
Ainsi qu’un goëland.

Voyez-vous sur son bord cette foule incertaine ?
Elle m’attend ; c’est moi qui suis son capitaine ;
Je dis : Obéissez !
Et pour prendre un mousquet, amarrer un cordage,
Hisser mon pavillon ou tenter l’abordage,
Cent bras sont empressés

Il faut voir mes marins pendant ces jours de fête,
Où gronde la bataille, où mugit la tempête,
Où sur les flots mouvans
Mon vaisseau qu’un brouillard entoure comme un voile,
Sent siffler à travers sa mâture et sa voile
Les boulets et les vents.

Sur la mer dont à peine il ouvre la surface,
Il s’arrête ou bondit, se déploie ou s’efface
Sous mon ordre pressé ;
Et lorsque le boulet ou le roc vient l’atteindre,
Je l’entends aussitôt tressaillir et se plaindre
Comme un homme blessé.