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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

moins. Elle a l’avantage de n’avoir avec ses voisins que le plus petit contact possible ; sa seule frontière est sur un isthme d’une lieue et demie de largeur, que protègent des défilés de la défense la plus facile, puisqu’il ne s’y trouve qu’un seul passage. La Morée forme un tout compacte, et offre à l’industrie de l’homme un champ vaste à exploiter ; ses plaines et ses vallées fertiles nourriraient aisément une population décuple de celle qui s’y trouve aujourd’hui. Cette population elle-même est à peu près homogène, et les exceptions peu nombreuses qu’on trouve dans les montagnes du Magne et de l’Arcadie, se fondraient bientôt elles-mêmes dans la masse, sous l’empire d’une administration forte. Mais, dès qu’on sort de l’isthme, tous ces avantages disparaissent. La frontière prend tout de suite un grand développement, et avec elle s’accroît la difficulté de la garder. Elle nécessitera une armée nombreuse que le pays n’est point en état de fournir et encore moins d’entretenir. Les points de contact avec les Turcs seront très-nombreux ; il en résultera, à chaque instant, des discussions, des rencontres qui entretiendront les deux peuples dans une irritation continuelle, et amèneront des guerres. Il est aisé aux puissances européennes de prendre la Morée sous leur protection, d’en interdire l’entrée aux Turcs sous peine d’encourir leur vengeance ; les deux peuples, séparés entre eux par la nature, n’ayant presque aucunes communications, ne pourront point avoir ces rapports hostiles qui sont inévitables sur une