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VOYAGES.


Je fus tiré de mes réflexions par des chants d’une mélodie douce et plaintive. Je suivis un sentier, au bout duquel se trouvait une case à moitié cachée par des lianes et des mangotiers. Les chants qui avaient cessé un instant furent remplacés par de grands éclats de rire, et bientôt reprirent leur première mesure. Plusieurs nègres et négresses entouraient un corps couvert d’un linceul. Des couïs dans lesquels étaient quelques bananes, des verres et des bouteilles étaient dispersés près d’eux. Le ton douloureux s’arrêta de nouveau, ils vidèrent chacun à leur tour un grand verre de tafia, rirent aux éclats et recommencèrent leur air mélancolique. Ils se turent à mon aspect et m’apprirent qu’ils rendaient les derniers devoirs à un nègre qui avait été empoisonné par la jalousie d’un de ses camarades, qui s’était enfui marron dans la crainte du supplice.

Je les quittai. Cette manière de rendre hommage aux morts, ce mélange de religion et de débauche, d’ivresse et de douleur, avaient quelque chose que je ne pouvais concevoir. Comment des sentimens

    saura gré sans doute d’exposer ici les argumens de l’opinion contraire ; nous les puiserons dans le voyageur anglais Cowper Rose, dont l’ouvrage a été traduit avec bonheur par M. Cabanis. Le voyage de Cowper Rose (Quatre années de séjour dans l’Afrique méridionale), publié tout récemment, se trouve à Paris, chez Cherbuliez. Voyez à la fin de cette lettre le fragment que nous en citons.

    (Note du D.)