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LETTRES SUR LA GUADELOUPE.

avec des négrillons. Elle nous reçut avec beaucoup de grâce et de modestie. Sa tête, couverte d’un madras noué négligemment, d’où s’échappaient de grosses boucles de cheveux noirs, l’expression fine et spirituelle de son regard, un abandon général dans toute sa personne, lui donnaient cette physionomie piquante et gracieuse qui appartient aux créoles. Elle réitéra d’une manière très-aimable l’invitation que son mari nous avait faite, et me présenta ses deux fils, qui étaient charmans. On fit servir à déjeûner. Les attentions de cette dame et de son mari, leur conversation agréable, leurs manières distinguées, la joie peinte sur la figure de leurs domestiques, l’empressement qu’ils mettaient à prévenir les ordres de leurs maîtres et à donner leurs soins aux enfans, me faisaient comparer ce que je voyais et ce que j’entendais avec les rapports infidèles qui défigurent totalement le caractère, l’éducation et les mœurs des colons.

Après le repas, M. V*** me conduisit dans les bâtimens de la sucrerie, et me fit remarquer qu’ils étaient entièrement reconstruits. Ce que l’ouragan n’avait pas enlevé, me dit-il, était tellement lézardé ou ébranlé, qu’il a fallu l’abattre. Je voulais aller voir les plantations, mais M. V*** me conseilla de laisser passer la forte chaleur, et de ne faire ma promenade qu’après-dîner. Nous revînmes chez lui, et il m’obligea de me reposer dans le modeste appartement où je devais passer la nuit. Il vint deux heures après me réveiller, et m’invita à faire une partie de tric-trac. Sa femme nous sé-