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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

osa fuir cette sainte retraite ; mais on l’atteignit sur la route de Séville. Son amant fut tué en la défendant, et elle…

— Eh bien ! et elle, cher ange ?

— Oh ! elle fut ramenée prisonnière dans le couvent et mourut de mille morts. Trois ans de supplice, mon amour ; couchant sur un lit de pierres aiguës, sans sommeil, sans repos ; battue chaque jour, et vivant de la nourriture la plus misérable, dans laquelle encore on jetait des animaux immondes pour la mortifier ici-bas, et lui faire expier son crime, disait la supérieure.

— Ainsi, par le disque du soleil, s’écria le Bohémien, si l’on nous surprenait ?… Et il regardait la jeune fille avec anxiété, car cette cruelle question lui était, pour ainsi dire, échappée malgré lui, et il sentait tout ce qu’une pareille supposition devait avoir d’affreux pour elle.

— Je mourrais comme Pepa, répondit l’enfant en souriant avec une admirable expression d’amour et de résignation ; comme elle, je mourrais pour mon amant. Oh ! je le savais, j’y avais pensé.

— Eh quoi ! cette horrible destinée…

— Est mille fois moins horrible qu’un jour passé sans te voir, sans te dire : je t’adore…, murmura-t-elle entre ses dents convulsivement serrées, et se laissant glisser à ses pieds toute frémissante.

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— Tu le veux ? Adieu, dit-elle avec un profond soupir.

— Oui, adieu, mon ange ; il faut nous quitter. Vois, déjà la nuit est moins sombre, les étoiles pâlissent, et cette lueur rougeâtre annonce le retour de l’aurore. Encore adieu, ma Rosita.

— Encore un baiser… un seul… le dernier ! âme de ma vie.

Et le soleil dorait déjà la cime des hautes tourelles du couvent, que ce dernier baiser durait encore.

Enfin le Gitano s’arracha des deux bras qui l’étreignaient amoureusement, regagna son échelle de soie et la gravit avec son agilité habituelle.

La Monja, assise au pied du palmier, suivait tous ses mouvemens d’un œil inquiet et charmé.

— À ce soir, disait-elle ; à ce soir, mon seigneur, mon amour !

Le Bohémien, arrivé au dernier échelon, s’étant retourné une dernière fois pour sourire encore à Rosita, s’apprêtait à enjamber le mur, lorsque l’échelle se replia tout à coup sur elle-même, glissa