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DE LA PÉNINSULE SCANDINAVE.

qu’elle peut déployer serait vraiment imposant, si elle ne se trouvait constamment dans le dénûment pécuniaire le plus complet, si surtout l’union entre les deux royaumes était réelle et complète. Mais il n’en est nullement ainsi : il est faux de dire que la Suède et la Norwége forment un royaume uni ; ce sont deux royaumes essentiellement distincts, gouvernés par le même chef, mais qui ont des intérêts, des mœurs et des institutions absolument différens, pour ne pas dire contraires. Chacun d’eux a ses lois, son armée, sa marine, son trésor en propre : toute fusion est prévue et interdite par la constitution norwégienne, qui semble avoir eu pour but principal d’établir entre les deux peuples une éternelle barrière.

Cette barrière est renforcée chaque jour par le peuple norwégien, et de son côté le gouvernement suédois n’adopte aucun système propre à la renverser, ni même à la miner graduellement. Tous deux ont tort, à notre avis ; mais au moins le gouvernement suédois peut couvrir son incurie du voile de la modération et de la générosité, tandis qu’il nous semble difficile de ne pas accuser la Norwége à la fois d’ingratitude et d’aveuglement : d’ingratitude, parce qu’elle perd de vue l’immense service que lui a rendu la Suède, en garantissant, lors de la conquête, la liberté démocratique qui lui est si chère, et en dérobant ainsi à l’œil jaloux des souverains européens un système demi-républicain qui contraste étrangement avec la domination absolue que le Danemarck avait exercée pendant