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HISTOIRE MODERNE.

fût par les intrigues, qu’il n’aurait jamais de force tant qu’il n’aurait pas organisé un corps de troupes régulières, et que si les palikares avaient suffi lors de la première levée de boucliers, pour chasser de la Morée le peu de Turcs qui s’y trouvaient mêlés à la population, ils étaient incapables de tenir à la longue contre les efforts redoublés de la Turquie. Tous les Européens qui voyaient les Grecs, et qui s’intéressaient à leur cause, le leur répétaient sans cesse ; mais ces vérités ne pouvaient être comprises que par le plus petit nombre, et une foule d’obstacles s’opposaient à ce qu’elles fussent exécutées. On doit mettre en première ligne l’extrême ignorance des Grecs, qui, n’ayant aucune idée de ce qu’est une troupe régulière, et de ce qu’elle peut faire, ne concevaient pas qu’il pût exister un système de guerre différent de celui qu’ils avaient toujours eu sous les yeux, leur humeur en général fort peu soumise aux lois, le dégoût qu’ils devaient avoir pour une discipline qui enchaînait leur volonté, et l’attrait beaucoup plus grand que leur offrait la licence où ils vivaient, quand ils n’avaient à rendre compte à personne de leurs actions, enfin la force de l’habitude. À ces causes est venue se joindre la crainte qu’éprouvaient les chefs des palikares qu’une organisation ne détruisît toute leur puissance, ne leur enlevât toutes les occasions de rapine, et ne terminât trop tôt une guerre dont ils savaient tirer tant de parti ; ils se sont par conséquent servi de toute leur influence sur l’esprit du peuple pour l’en dégoûter, et lui faire voir avec mépris toutes les tentatives que