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TROUBLES RELIGIEUX EN AFRIQUE.

domestiques, à la direction de son village. Lorsque, sur de nouvelles interpellations du prophète, il a répété pour la troisième fois son excuse, Demba paraît saisi de mouvemens convulsifs, il étend les bras, et s’écrie en grimaçant : Sarakhtou ! Sarakhtou ! (Miséricorde ! Miséricorde !) un bourreau s’avance, saisit le séryn réfractaire, le renverse, et avec un sabre lui scie le cou contre terre, aux yeux des habitans stupéfaits ; et personne n’ose plus refuser de suivre l’énergumène.

Demba continua sa marche au nord-est, en côtoyant le grand lac de Ngher, enrôlant dans son armée les placides Ouolofs qu’il trouvait sur sa route, pillant, brûlant les villages qui résistaient à l’entraînement de ses prophétiques paroles. Trois mille prosélytes étaient déjà réunis sous ses ordres.

Cédant aux conseils du beyghio Sâkora, et du mam-rôso Fara-Koury, le vieux Fara-Penda voulut essayer d’arrêter le torrent, et marcha contre les insurgés ; mais le perfide beyghio passa dans l’armée de Demba, et les soldats du Brak furent complétement défaits.

Poursuivant sa route, le nouveau mahdy arriva à Nghianghy, qui se soumit. Après s’être reposé une nuit dans ce village, Demba se dirigea vers l’établissement français de Doukitt, appartenant à MM. de la Boulaye et d’Honincthun. Le gérant, M. Brunet, était absent : les esclaves avaient déserté à l’ennemi ; il ne restait sur l’habitation que le gourmet Hippolyte, homme d’une stature, d’une force,