Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 3.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
RÉCLAMATION.

allai voir la jeune bramine, et je la remerciai de nouveau d’avoir renoncé à son funeste dessein ; elle me répéta avec chaleur « qu’elle avait fait le plus grand des sacrifices à la sollicitation de M. l’administrateur ; qu’elle avait échangé une éternité de gloire et de bonheur contre quelques années d’une vie misérable et flétrie, mais qu’en retour, et pour prix de son obéissance, elle se regardait désormais comme la fille adoptive du gouvernement français, etc. » Je crus pouvoir l’assurer de sa protection, et je lui promis qu’à tout événement M. Ducler et moi ne l’abandonnerions jamais.

Je voudrais en vain rendre l’impression profonde qui m’est restée de cette visite : en quittant la bramine, il me semblait la voir s’avancer vers le fatal bûcher ; j’étais fier d’avoir pour ami le digne magistrat dont la courageuse insistance avait triomphé d’une croyance barbare, et je sentais au fond du cœur que j’aurais voulu échanger le reste de ma vie contre une si belle journée.

Je me propose de rendre compte des détails de cet événement si honorable pour un de nos compatriotes ; j’aurai l’honneur de vous en communiquer la relation, et je pense qu’elle ne sera pas sans intérêt pour vos lecteurs.

Veuillez agréer, etc.

Moiroud,
Ancien procureur général à Pondichéry.
Paris… août 1830.