Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 3.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
SOUVENIRS DES CÔTES D’AFRIQUE.

cupent le pays, quelquefois les récoltes ont manqué dans les contrées environnantes, les grains ont été chers ; mais il n’y a jamais eu de disette à Saint-Louis : le commerce de cabotage offre trop de ressources pour que les approvisionnemens viennent à manquer tout-à-fait.

Au Rio Pongo, les bâtimens de guerre anglais ont souvent détruit les villages. Ils ont pu quelquefois avoir à la vérité de justes sujets de plaintes ; mais le plus souvent ils n’ont agi de la sorte que pour se faire livrer des nègres, afin de les exporter à Sierra-Léone. Le but des philanthropes d’Angleterre est d’abolir la traite des nègres ; mais les gens qu’on emploie à cet effet n’ont pas du tout les mêmes intentions : leur but est de gagner dix livres sterling par nègre qu’ils apportent à Sierra-Léone. Lorsqu’ils sont pressés, et qu’ils n’ont pas le temps d’attendre que les négriers aient mis la cargaison à bord, ils prennent le navire, et font eux-mêmes les recouvremens ; ils disent aux indigènes : « Ce capitaine négrier vous a remis ses marchandises pour avoir des nègres ; nous prenons le navire, nous entrons dans tous les droits du propriétaire, payez-nous, ou nous vous exterminons. » S’ils se contentaient d’enlever le navire et les négriers, ils empêcheraient la traite aussi efficacement ; mais en laissant la cargaison de nègres à terre, les capteurs n’auraient pour part de prise que le produit de la vente du navire, et ils perdraient le principal gain, qui résulte des dix livres sterling par nègre amené à Sierra-Léone.