Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 3.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
SOUVENIRS DES CÔTES D’AFRIQUE.

pour ne pas donner à des marchands anglais qui me regardaient de la porte de leurs boutiques le plaisir de voir un Français boxant dans les rues avec un nègre ; Une fois arrivé à l’office, un clerc mulâtre me dit que je pouvais retourner chez moi, que c’était par erreur qu’on m’avait arrêté. Je sortis, laissant derrière moi un major et un capitaine portugais, des capitaines négriers et des matelots de diverses nations. Je sais qu’en tout pays, par erreur, on peut se trouver arrêté pour un autre ; mais j’ai peine à croire que partout ailleurs que dans un pays régi par les lois anglaises on montre un mépris assez grand des autres nations pour faire enlever indistinctement, et sur un ordre verbal, tous les étrangers qui s’y rencontrent, afin de s’assurer d’un seul individu dont l’adresse était bien connue, puisqu’il avait écrit des lettres aux autorités pour demander justice.

J’appartiens au dix-neuvième siècle, et j’ai passé douze années de ma vie en pays étranger ; on ne peut donc m’accuser d’avoir conçu contre les Anglais cette haine d’instinct qui caractérisait nos pères, et qui était une suite des maux qu’ils nous ont causés ; comme individus, j’aime autant les Anglais que les Wallos, les Foulahs et les Mandingues ; mais comme nation, je suis loin de partager l’admiration de beaucoup de mes compatriotes. Ces réflexions me viennent naturellement en me rappelant ce que j’ai vu à Sierra-Léone ; et, avant de le rapporter, je veux jeter un coup d’œil en arrière sur ce que les Anglais ont fait à Saint-Louis, au