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VOYAGES.

trop court pour l’étudier suffisamment, et ensuite à cause d’une petite aventure qui m’humilia beaucoup dans le moment, sans pourtant m’étonner, puisqu’elle m’arrivait dans un pays appartenant aux Anglais. Voici le fait : le commandant d’une frégate française, mouillée à Sierre-Léone, réclama des Anglais un Français qui était à terre ; aussitôt un ordre émané de je ne sais qui prescrivit d’arrêter, partout où on les verrait, les étrangers blancs qui se trouvaient dans le pays, et de les mener au police-office. Les constables nègres se mirent à parcourir la ville, les hôtels, les cabarets, et arrêtèrent indistinctement les Espagnols, les Portugais, les Hollandais et les Français. À ce moment je passais dans une rue ; un nègre, ayant à la main un bâton de deux pouces de diamètre, marque distinctive des constables de Sierra-Léone, m’aperçut, et reconnut que j’étais étranger, probablement à ce que je marchais au soleil sans parasol ; il s’avança vers moi, et m’ordonna de le suivre au police-office. Ce fut en vain que je lui demandai son warrant ; que je lui dis que j’appartenais à une goëlette française qui commerçait actuellement dans le pays, et qui était régulièrement expédiée ; j’ajoutai même que je consentais à le suivre, mais qu’il me menât chez un magistrat, et non pas dans un lieu où l’on conduisait les vagabonds ; rien n’y fit : il se mit en posture de me frapper avec son bâton. Ayant cru débarquer dans un pays aussi civilisé que Saint-Louis du Sénégal, j’étais venu à terre sans armes ; je fus donc forcé de le suivre,