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DOCUMENTS OFFICIELS.

val ; la rue Neuve-Saint-Marc et toutes les rues adjacentes ont été parcourues par des patrouilles. À onze heures, deux commissaires de police, appuyés par cette force armée, se sont présentés aux bureaux du National, et ont signifié l’ordre de M. Mangin, en vertu duquel ils venaient saisir les presses du National par suite de notre refus de nous soumettre aux ordonnances du 26.

Nous avons déclaré à MM. Les commissaires que le pouvoir qui les envoyait étant tout-à-fait sorti de la légalité, nous ne devions point obéissance à ce pouvoir ; qu’eux-mêmes, officiers civils établis tels par les lois en vigueur sous la Charte, étaient en rébellion contre la légalité, en se faisant porteurs et exécuteurs d’un mandat attentatoire à la Charte ; que la saisie qui allait s’opérer ne pouvait être considérée par nous que comme le vol de notre propriété, et que ce vol ne serait consommé que par la violation avec effraction de notre domicile ; que, dans l’impossibilité où nous étions d’opposer la force à la force, il ne nous restait qu’à protester contre la violence.

MM. les commissaires Colin, du quartier de la cité, et Béraud, chargé des délégations judiciaires, ayant cru, malgré nos protestations, devoir procéder aux perquisitions et à la saisie, ont pénétré dans nos bureaux, assistés par la gendarmerie et les officiers de paix. Les perquisitions les plus minutieuses pour trouver les exemplaires du numéro de ce matin, qu’on supposait exister chez nous ont été vaines. L’anxiété qui s’est emparée de la population parisienne, et la non-apparition de la plupart des journaux de l’opposition, privés de leurs imprimeurs par l’effet de l’ordonnance, avaient amené de très-grand matin aux portes du National une foule considérable, qui en moins d’une heure, avait absorbé sept mille exemplaires. Notre tirage était épuisé, et le zèle de nos imprimeurs, accablés de fatigue depuis deux jours, ne pouvait plus suffire aux demandes.

MM. les commissaires, sur notre refus d’ouvrir les portes du lieu où sont établies nos presses, ont dû recourir à l’effraction. La porte a été enfoncée. On n’a point enlevé nos presses, mais on les a fait démonter ; on a fait emporter les pièces les plus importantes du mécanisme, et ainsi, aux termes de l’ordonnance du roi, elles ont été mises hors d’état de service ; car c’est le même résultat. Ce que l’on ne peut pas emporter, on le détruit, on le brise ; il n’y a plus de garantie pour la propriété des citoyens.