Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 3.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
DOCUMENTS OFFICIELS.

a trouvé un actif auxiliaire dans la presse départementale qui, mettant aux prises les jalousies et les haines locales, semant l’effroi dans l’ame des hommes timides, harcelant l’autorité par d’interminables tracasseries, a exercé une influence presque décisive sur les élections.

Ces derniers effets, Sire, sont passagers ; mais des effets plus durables se font remarquer dans les mœurs et dans le caractère de la nation. Une polémique ardente, mensongère et passionnée, école de scandale et de licence, y produit des changemens graves et des altérations profondes ; elle donne une fausse direction aux esprits, les remplit de préventions et de préjugés, les détourne des études sérieuses, nuit ainsi au progrès des arts et des sciences, excite parmi nous une fermentation toujours croissante, entretient, jusque dans le sein des familles, de funestes dissensions, et pourrait par degrés nous ramener à la barbarie.

Contre tant de maux enfantés par la presse périodique, la loi et la justice sont également réduites à confesser leur impuissance.

Il serait superflu de rechercher les causes qui ont atténué la répression, et en ont fait insensiblement une arme inutile dans la main du pouvoir. Il nous suffit d’interroger l’expérience et de constater l’état présent des choses.

Les mœurs judiciaires se prêtent difficilement à une répression efficace. Cette vérité d’observation avait depuis long-temps frappé de bons esprits ; elle a acquis nouvellement un caractère plus marqué d’évidence. Pour satisfaire aux besoins qui l’ont fait instituer, la répression aurait dû être prompte et forte ; elle est restée lente, faible, et à peu près nulle. Lorsqu’elle intervient, le dommage est commis ; loin de le réparer, la punition y ajoute le scandale du débat.

La poursuite juridique se lasse, la presse séditieuse ne se lasse jamais. L’une s’arrête, parce qu’il y a trop à sévir ; l’autre multiplie ses forces en multipliant ses délits.

Dans des circonstances diverses, la poursuite a eu ses périodes d’activité ou de relâchement ; mais, zèle ou tiédeur de la part du ministère public, qu’importe à la presse ! Elle cherche dans le redoublement de ses excès la garantie de leur impunité.

L’insuffisance ou plutôt l’inutilité des précautions établies dans les lois en vigueur, est démontrée par les faits. Ce qui est égale-