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DOCUMENTS OFFICIELS.

la souveraineté et à envahir les pouvoirs de l’état. Organe prétendu de l’opinion publique, elle aspire à diriger les débats des deux chambres, et il est incontestable qu’elle y apporte le poids d’une influence non moins fâcheuse que décisive. Cette domination a pris surtout depuis deux ou trois ans dans la chambre des députés un caractère manifeste d’oppression et de tyrannie. On a vu, dans cet intervalle de temps, les journaux poursuivre de leurs insultes et de leurs outrages les membres dont le vote leur paraissait incertain ou suspect. Trop souvent, Sire, la liberté des délibérations dans cette chambre a succombé sous les coups redoublés de la presse.

On ne peut qualifier en termes moins sévères la conduite des journaux de l’opposition dans des circonstances plus récentes. Après avoir eux-mêmes provoqué une adresse attentatoire aux prérogatives du trône, ils n’ont pas craint d’ériger en principe la réélection des 221 députés dont elle est l’ouvrage. Et cependant Votre Majesté avait repoussé cette adresse comme offensante : elle avait porté un blâme public sur le refus de concours qui y était exprimé : elle avait annoncé sa résolution immuable de défendre les droits de sa couronne si ouvertement compromis. Les feuilles périodiques n’en ont pas tenu compte ; elles ont pris, au contraire, à tâche de renouveler, de perpétuer et d’aggraver l’offense. Votre Majesté décidera si cette attaque téméraire doit rester plus long-temps impunie.

Mais de tous les excès de la presse, le plus grave peut-être nous reste à signaler. Dès les premiers temps de cette expédition dont la gloire jette un éclat si pur et si durable sur la noble couronne de France, la presse en a critiqué avec une violence inouïe les causes, les moyens, les préparatifs, les chances de succès. Insensible à l’honneur national, il n’a pas dépendu d’elle que l’Europe ne restât asservie à un esclavage cruel et à des tributs honteux.

Ce n’était point assez : par une trahison que nos lois auraient pu atteindre, la presse s’est attachée à publier tous les secrets de l’armement, à porter à la connaissance de l’étranger l’état de nos forces, le dénombrement de nos troupes, celui de nos vaisseaux, l’indication des points de station, les moyens à employer pour dompter l’inconstance des vents, et pour aborder la côte. Tout, jusqu’au lieu du débarquement a été divulgué comme pour ménager à l’ennemi une défense plus assurée. Et, chose sans exemple chez un peuple civilisé, la presse, par de fausses alarmes sur les