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LA GRÈCE EN 1829.

vales étaient bien obligés, au risque de tout ce que pourrait en dire l’opinion égarée de l’Europe, d’aller en demander raison. Ils n’y réussissaient que par l’appareil de la force, et encore le peu qu’ils arrachaient ainsi était-il bien loin de compenser les pertes que le commerce éprouvait tous les jours. Si ce système de courses, organisé par les Grecs, fut une conception dont le but était de contraindre les gouvernemens de l’Europe à s’occuper d’eux, elle aurait été assez habilement conduite, puisqu’elle a réussi ; mais cette pensée, si elle a quelque chose de réel, n’a existé que dans bien peu de têtes : l’avidité du gain en a été le seul mobile.

Lorsque le gouvernement grec, ou pour parler plus exactement, lorsque le fantôme qui prenait ce titre donnait si bien l’exemple, il ne faut point s’étonner qu’il ait été promptement suivi ; tous les bâtimens d’Hydra, de Spetzia et d’Ipsara se mirent en course. Quelquefois, pour en colorer le prétexte, on simulait une émeute : on voyait les matelots se réunir en tumulte, se porter sur les maisons des armateurs, les contraindre par la violence à leur livrer leurs bâtimens avec des lettres de marque. Ils revenaient bientôt chargés de butin, qui était partagé entre les équipages et les armateurs dont était composé le tribunal de prises. Par ce subterfuge, on espérait échapper aux réclamations des commandans des marines neutres, qui viendraient ensuite demander raison de ces pirateries. Je crois bien que quelques-unes de ces émeutes ont été réelles, que la misère à laquelle la cessation du commerce avait