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LA GRÈCE EN 1829.

D’abord elle est dans une profonde ignorance ; elle n’a fourni que son sang dans la révolution et elle est toujours restée étrangère à sa direction. Toutes les avenues du pouvoir sont occupées par les primats ; ils sont encore aujourd’hui les intermédiaires obligés entre le gouvernement, et le peuple est forcé de s’en servir pour établir la chaîne qui communique de l’un à l’autre. Ce n’est que parmi eux qu’on peut trouver des administrateurs ; la masse qui est habituée à recevoir leur impulsion, qui ne connaît qu’eux, est incapable de concevoir un gouvernement central et régulier. Tant qu’elle ne sera pas éclairée, et ce ne sera pas l’œuvre d’un jour, l’influence et la direction du pays doivent appartenir aux primats ; et que d’obstacles s’opposent encore a ce qu’elle le soit ! Sans parler de tous les préjugés de la superstition et d’une longue habitude, du peu de goût que doivent avoir les primats pour que la civilisation se répande dans la classe inférieure, la misère de cette classe est si grande, qu’avant tout il faut songer à l’en tirer. On aura beau créer des écoles, tant que le peuple mourra de faim elles seront désertes. On a été jusqu’à imaginer d’élever de jeunes Grecs en France, de leur donner une éducation élégante et soignée, comme si on ne devait pas s’attendre à ce que plus cette éducation serait perfectionnée, plus on les rendrait inutiles à leur pays. Quand ils auront pris les goûts et les habitudes de la civilisation avancée dont nous jouissons, retourneront-ils au milieu de peuplades presque sauvages, ou, s’ils en ont la constance, se feront-ils