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LA GRÈCE EN 1829.

auquel ils sont venus se joindre ; en embrassant ses dogmes, ils ont embrassé son esprit tout entier, et sont devenus à leur tour de la race des conquérans.

Cette courte digression servira à expliquer comment les changemens de religion n’ont modifié en rien les rapports mutuels des Turcs et des Grecs, et comment même ils ont été aussi restreints. S’ils n’avaient point violemment rompu toute liaison entre les nouveaux convertis et leurs anciens co-religionnaires, de proche en proche l’apostasie se serait infailliblement étendue. Mais à aucun instant la haine religieuse n’a cessé d’être vivace, et la barrière qui sépare les deux religions ennemies a toujours été difficile à surmonter. Il n’en a pas été de la Grèce comme des premières contrées dont les Mahométans s’emparèrent ; on vit alors des populations entières s’empresser d’adopter leur croyance. Lorsqu’une religion est à son début et dans tout l’éclat d’une conquête brillante, qu’elle frappe fortement l’imagination des peuples et leur promet un long avenir de gloire, elle entraînera tout sur son passage, et les peuples se précipiteront à l’envi dans la carrière immense qu’elle ouvre devant eux. Tel est le merveilleux spectacle dont l’Orient a été le théâtre dans les premiers siècles du mahométisme. La Grèce, au contraire, a été la dernière conquête des Turcs ; le peuple qu’ils subjuguaient avait bien moins de rapports avec eux que les populations de l’Orient n’en avaient avec les fondateurs du mahométisme. Ce peuple, qui survivait encore à une guerre de plusieurs siècles, était exaspéré par le souvenir des