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HISTOIRE.

n’est pas de la barbarie et des bouleversemens politiques qui ont déchiré la Grèce depuis plusieurs siècles qu’on pourrait attendre un tel résultat. À cette cause est venue se joindre une grande conquête, telle qu’aucune page de l’histoire ne nous en présente de pareille. L’invasion des Turcs en Europe a été longue et méthodique. À mesure qu’ils s’avançaient, ils changeaient entièrement la face des pays qu’ils occupaient. La religion était une barrière insurmontable qui prévenait tout mélange entr’eux et ceux de leurs nouveaux sujets qui se refusaient à l’embrasser. La loi mahométane est essentiellement dominatrice ; elle accorde protection aux infidèles qui paient le tribut, mais elle ne les admet en rien aux avantages réservés aux seuls citoyens[1]. Aussi n’a-t-on point vu ces conquérans se fondre, comme ceux qui les avaient précédés, dans la masse des peuples qu’ils avaient soumis. Ceux-ci ont dû rester sujets ou adopter la loi des vainqueurs, et en l’adoptant, ils se sont entièrement associés à eux ; car cette loi est rigoureuse ; c’est un code national complet qu’il est possible d’abolir, mais non de modifier. Aussi, ceux qu’elle a convertis n’ont-ils apporté aucune nuance nouvelle chez le peuple

  1. Il n’est point vrai que la loi de Mahomet ne laisse d’autre alternative aux infidèles que le Coran ou le sabre. Elle ordonne positivement au contraire de protéger les rayas qui paient exactement le tribut ; mais elle les considère en tous points comme une espèce fort inférieure aux fidèles, et leur commande de rester dans la classe des sujets, tandis que ceux-ci ont toutes les prérogatives des maîtres.