Mais, comme te voilà fumante, échevelée !…
Qui t’a dit que ton maître avait un rendez-vous ?
Connais-tu ma maîtresse, et t’a-t-elle appelée
Avec sa douce voix et son sourire doux ?
Aime-la, pour qu’un jour je t’aime davantage ;
Pour que je puisse un jour, heureux et triomphant,
La placer sur ton dos… Ah ! Morica, je gage
Que tu croirais porter tout au plus un enfant.
Si tu savais combien elle est blanche et légère !
Son œil d’ébène est vif et fier comme le tien.
Si je lui dis : Partons pour la rive étrangère…
Ma belle, comme toi, répond : Je le veux bien.
Elle quitterait tout pour moi, cette Espagnole ;
Elle ne craint ni roi, ni père, ni le bruit,
Ni tous les vains propos ; elle m’aime, elle est folle,
Elle s’échapperait avec moi dans la nuit.
Je l’ai vue une fois, au milieu d’une fête,
Refuser vingt galans qui la venaient prier ;
Sourire de mépris et détourner la tête,
Et leur dire tout haut : Voilà mon cavalier.
Aussi, ma Morica, je donnerais pour elle
Campagnes et châteaux, tout mon bien, tout mon or,
Ma vie et mon honneur… toi, peut-être, ô ma belle…
Oui, je te donnerais toi-même, mon trésor !
Mais les tours de Cadix approchent. Vite encore…
Je te connais du cœur, et jamais, sous ma main,
Ta bouche n’a molli ; vite, la jeune Maure,
À toi deux boisseaux d’orge et du sommeil demain.