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STABS À SCHŒNBRUNN.

çaient dans le vague de l’avenir… Un bruit lointain arriva jusqu’à moi. Il partait de Vienne. C’était le glas de la mort… Je m’arrêtai involontairement, et puis faisant un retour sur Stabs, je me rappelai les traits de cet inconnu, ce placet qu’il montrait sans cesse et ne remettait jamais. Je me rappelai sa blonde chevelure, ses yeux bleus, mais fixes et hagards ; sa démarche incertaine, une allure enfin qui peignait la volonté de la pensée et l’hésitation de l’âme. Non, me disais-je, l’heure du crime n’avait pas encore sonné pour toi… ta tête était exaltée par le fanatisme, mais ton cœur est resté pur. Le monde ne peut te pardonner, mais Dieu te jugera.

C’est ainsi que seul et pensif je m’acheminai vers la ville. C’était la fin d’une belle journée, c’était le moment silencieux qui termine les agitations du jour et précède le calme de la nuit, moment où l’ame rêveuse est ouverte aux émotions douces et mélancoliques. Les premières teintes du soir commençaient à m’environner… Je soupirais en pensant à la fragile destinée du bonheur. Louise ! avait dit l’infortuné, et ses yeux, sa pensée, sa vie, s’étaient fixés sur une légère esquisse qu’il tenait à la main. Vainement avait-on employé les menaces et les promesses ; vainement avait-on cherché à tirer la lumière de ce sombre chaos, il n’avait rien dit… Sa main, vierge de crime, s’occupait à presser l’image de son amie, et sa bouche pure allait lui donner le soupir d’adieu. J’approchais d’Alster-for-Stadt[1],

  1. L’un des faubourgs de Vienne.