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ET NOUVELLES.

besoins. Enfin, après trois ou quatre ans d’anxiétés et de souffrances, il verra ses moyens pécuniaires totalement épuisés, et commencera à s’apercevoir trop tard, qu’après tant de sacrifices il n’a acquis qu’une propriété dont la valeur est à peine suffisante pour fournir à ses besoins. Alors le découragement viendra l’accabler et les maladies termineront peut-être sa triste existence.

« Mais il est des émigrés dont la chute est plus rapide et le sort plus funeste encore. Je veux parler des infortunés qui, séduits par les illusions dont on se berce trop souvent en Europe, abandonnent leur patrie, pour venir, sans argent et quelquefois sans talens, chercher dans ces contrées lointaines une fortune qu’ils croient aussi certaine que brillante. À leur arrivée, la misère la plus affreuse les accueille, et ils attendent que les secours de la charité les arrachent à une mort imminente. On en a vu un exemple récent et terrible dans ces malheureux Allemands débarqués au nord du Brésil.

« Dès son arrivée, cette troupe composée d’hommes, de femmes et d’enfans de l’âge le plus tendre, fut réduite à implorer la pitié publique. L’ignorance de la langue du pays est un obstacle de plus pour les étrangers, et cependant ceux qui sont familiarisés avec cette langue et qui la parlent avec facilité, n’en retirent aucun avantage.

« Ce que peuvent attendre de plus ces émigrés, c’est de trouver un propriétaire qui les emploie pour la nourriture seule. Dans ce cas, après deux ou trois ans, ils obtiennent la conduite subalterne des esclaves, et les modiques appointemens de trois cents francs. Mais combien de privations ne doivent-ils point subir ; par quelles épreuves ne doivent-ils point passer, avant de parvenir à ce point ? Dégoûtés, découragés, ils cherchent à s’étourdir, à oublier leurs maux, par l’usage immodéré des boissons ; ils finissent ainsi par ruiner entièrement un tempérament déjà miné